Catégories : Femmes fessées
il y a 2 ans
Émilie avait lamentablement échoué au bac et redoublait sa terminale. Sans véritable conviction. Si bien qu’à Noël, elle avait ramené un bulletin de notes calamiteux que sa mère avait jeté, d’un air affligé, sur la petite table, près du sapin.
- Ah, ben ça vaut le coup de se crever pour te payer des études à toi ! C’est gratifiant…
Elle l’élevait seule et consentait d’importants sacrifices pour assurer la meilleure des situations possible à sa fille qui avait alors tenté tant bien que mal de se défendre.
- C’est pas de ma faute. En philo, deux fois j’ai fait des hors sujet. Et, en histoire, elle peut pas me blairer, la prof. Elle me sacque systématiquement.
Sa mère avait haussé les épaules.
- Mais bien sûr ! Tu as raison. Tu as toujours raison.
Et soupiré.
- Je te conseille d’avoir ton bac, Émilie. Je te le conseille vraiment. Sinon…
Sinon quoi ? Elle n’avait pas précisé. Et Émilie n’avait pas cherché à approfondir.
Mais elle avait tout de même décidé de faire des efforts. C’était son avenir qui était en jeu après tout, on le lui répétait assez. Et, près de trois semaines durant, elle s’était investie le plus consciencieusement possible dans ses études. Seulement fin janvier il y avait eu l’anniversaire de Bastien. Elle y avait été invitée et y avait retrouvé tous ses camarades de l’année précédente devenus, pour la plupart, étudiants. Tous. Lionel. Adam. Jessica. Laura. Les autres aussi.
- Ben alors, qu’est-ce tu deviens ? On te voit plus !
Ils l’avaient revue. Le vendredi suivant. Et celui d’après. D’autres encore. Et puis des samedis. Tous les samedis. On n’était jeune qu’une fois, merde ! Le bac ? Elle avait bien le temps, le bac. Il lui suffirait de donner un grand coup de collier un mois avant. Et ça se passerait bien. Ça se passerait forcément bien.
À Pâques, ses résultats étaient à nouveau catastrophiques.
- De mieux en mieux ! Bon, mais tu sais ce que je t’ai dit. Si tu n’as pas ton bac…
Elle a voulu en avoir le cœur net.
- Eh ben, quoi, si j’ai pas mon bac ?
- Tes fesses vont chauffer.
Elle a ouvert de grands yeux stupéfaits et puis elle a, presque aussitôt, éclaté de rire.
- Non, mais ça va pas ! Et puis quoi encore ?
- Tu verras bien.
- Oui, ben c’est tout vu.
Et elle a regagné sa chambre. Des fessées, elle en avait reçu quand elle était gamine, oui. La dernière à l’âge de douze ans. Mais maintenant ? À dix-neuf ans ? C’était vraiment du grand n’importe quoi. Non, sa mère ne le ferait pas, c’était évident. Elle ne pouvait pas le faire. N’empêche qu’elle l’avait dit, qu’elle l’en avait menacée. Oui, oh, des paroles en l’air. Comme souvent avec elle. Et si, malgré tout… Oh, ben alors là, qu’elle s’y essaie pour voir ! Elle ne serait pas déçue du voyage. Bon, mais de toute façon, la question ne se posait pas. Elle l’aurait, son bac. Et puis voilà… Point final.
Elle ne l’a pas eu.
- Il ne m’a manqué que trois points.
- Trois ou quarante, le résultat est le même. Tu n’as pas ton bac. Pour la deuxième fois. Et t’étais prévenue. Alors tu montes te mettre en pyjama et tu redescends chercher ton dû.
- Oui, ben alors ça, sûrement pas !
- Et tu te dépêches…
- Je suis majeure.
- Majeure ou pas, quand on se comporte comme une gamine irresponsable, on ne doit pas s’étonner d’être traitée en gamine irresponsable.
Elle n’a pas répondu. Elle a délibérément ignoré sa mère, les yeux rivés à la télé.
- T’as entendu ce que je t’ai dit ?
Elle n’a pas bougé.
- Très bien ! Tu l’auras voulu.
Et sa mère a décroché le téléphone, composé un numéro.
– C’est moi. Oui, c’est moi. Son bac ? Non, elle ne l’a pas eu. Tu penses bien que non. Mais ça, c’était couru. Quand les copines et les copains sont plus importants que les études, forcément ! Oh, mais t’inquiète pas que je lui ai présenté la note. Une bonne fessée. Dix-neuf ans ou pas dix-neuf ans. Et je peux te dire que j’y suis pas allée de main morte. Tu sais comment elle est de toute façon. Elle a toujours compris que ça. Depuis toute petite. Et là, en plus, elle était prévenue. Vingt fois, je lui ai tiré le signal d’alarme. Vingt fois je l’ai mise en garde. Elle n’en a tenu aucun compte. Alors maintenant qu’elle ne vienne pas se plaindre… Tu veux que je te la passe ? Non ? Comme tu voudras. Bien sûr. On se rappelle n’importe comment. Merci. À toi aussi. Et elle a raccroché.
- C’était qui ?
- Clémence. Ma sœur. Ta tante.
- C’est dégueulasse !
- Qu’est-ce qu’est dégueulasse ?
- Ce que tu lui as dit, là, au téléphone.
- Ben, pourquoi ?
- Parce que c’est pas vrai.
- Ça va l’être. J’ai juste un peu anticipé.
- Dans tes rêves !
- D’abord tu vas commencer par me parler sur un autre ton. Et ensuite tu vas monter te mettre en pyjama. Je te l’ai déjà demandé, il me semble. Alors, exécution !
- Non !
- Très bien…
Et elle a repris le téléphone.
- Qu’est-ce que tu fais ?
- J’appelle la mère de ta copine Stéphanie. Il faut que je lui raconte, à elle aussi, quelle bonne fessée tu viens de recevoir.
- Elle te croira pas.
- Je peux t’assurer que si ! Et je ne vais pas m’en tenir là. J’ai un carnet d’adresses bien fourni. Ah, il va y en avoir du monde au courant. Tu seras une véritable vedette maintenant en boîte de nuit.
- C’est ignoble ! Tu es ignoble.
- Allô…
- Non, raccroche !
- À une condition… Tu sais laquelle…
- J’y vais ! Mais raccroche ! Je t’en supplie, raccroche !
Et elle a obéi. Est-ce qu’elle avait vraiment le choix ? Elle a obéi, la mort dans l’âme. Elle s’est mise en pyjama. Les larmes lui sont montées aux yeux. Des larmes de rage impuissante qu’elle s’est efforcée de refouler tant bien que mal. Ne pas pleurer. Surtout ne pas pleurer. Et elle est descendue.
- Approche !
Assise, genoux serrés, sur le canapé du salon, sa mère avait cet air de sévérité offusquée qu’elle connaissait si bien, mais qu’elle ne lui avait pas vu arborer depuis maintenant près de dix ans.
- Plus près ! Encore !
Elle l’a attirée contre ses genoux, a pris ses mains dans les siennes.
- Tu vas commencer par me demander pardon.
Le cœur lui est monté aux lèvres. Maintenant que, contrainte et forcée, elle avait rendu les armes, il allait lui falloir boire le calice jusqu’à la lie.
- Pardon !
- Pardon, qui ?
- Pardon, maman !
- Et de quoi ?
- D’avoir raté mon bac.
- D’avoir tout fait pour le rater, oui. Et de quoi encore ? Tu ne vois pas ? Réfléchis bien !
- Et de t’avoir mal parlé tout à l’heure.
- Ah, ben tu vois quand tu veux ! C’est quand même malheureux, avoue, de devoir en arriver là. Alors que tout pourrait être si simple, qu’il suffirait que tu fasses preuve d’un minimum de bonne volonté… Bon, mais allez !
Et elle lui a descendu sa culotte de pyjama, avec détermination, jusqu’en bas. Elle l’a prise par le bras, obligée à se pencher, à prendre place en travers de ses genoux. La culotte de pyjama est restée par terre.
- Maman…
- Oui ?
- Non, rien.
- Je crois que ça vaut mieux en effet.
Et elle a tapé. À pleines fesses. À grands coups réguliers. Espacés. Méthodiques. Et ça a duré, mais duré ce qui lui a semblé être une éternité. Elle avait résolu de se montrer digne, mais ça brûlait tellement, ça mordait tellement, ça a fini par devenir tellement insupportable qu’elle n’a pas pu s’empêcher de gémir d’abord, de crier ensuite, de battre des jambes, de hurler et de supplier enfin.
- S’il te plaît, arrête ! J’en peux plus ! Arrête ! S’il te plaît…
Sa mère s’est montrée intraitable. Elle n’en a tapé que plus fort, que plus vite. Elle a sangloté. De rage. De honte. De douleur. Ça s’est arrêté d’un coup.
- Là ! Et j’espère que ça va te servir de leçon.
Ça lui a effectivement servi de leçon. Parce qu’elle a eu son bac à la session de rattrapage de septembre.
- Ah, ben tu vois, quand tu veux !
Elle a souri.
- Mais tu sais, Émilie, ce soir-là, en juin, je ne l’ai pas vraiment appelée, ta tante. Je n’ai pas composé le numéro en entier. Je n’avais personne au bout du fil. J’ai fait semblant. Parce qu’il te la fallait, cette fessée. Il te la fallait absolument. La preuve !
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